Célestin est au cœur des Alpes qu’il avait déjà aperçu de très loin, sans doute. Il vient d’arriver à Briançon. Pour lui, la guerre n’a pas encore vraiment commencé. Depuis sa mobilisation, au tout début du mois d’août, il a attendu son affectation dans une caserne de Valence. Pendant son service militaire, il a acquis la spécialité d’artilleur et il s’attend à avoir ce rôle à nouveau. Mais c’est le 159e Régiment d’Infanterie qu’on vient de lui demander de rejoindre. Celui-ci est basé à Briançon. Il rejoint donc des montagnards. Il connaît.

C’est une carte postale qu’il envoie à ses sœurs, ce jour-là, avec des « Baisers » dans la neige.
On pourrait presque croire à la carte d’un touriste en villégiature.
Mais le verso de la carte replonge dans la réalité du moment. Il va partir ce soir pour le Nord. Ca y est. Les choses sérieuses vont commencer. Il ne sait sans doute pas vraiment où il va précisément, ou bien il n’est pas autorisé à le dire. Pas sûr qu’il sache beaucoup en quoi va consister vraiment cette fonction de vaguemestre.

En arrivant à Briançon, on lui a sans doute raconté ce que le 159e RI a déjà affronté. L’ensemble du régiment a quitté Briançon le 17 août pour l’Alsace. Dès le 19, il est engagé dans la bataille d’Altkirch, près de Mulhouse. Le bilan de ce premier jour de combat pour le régiment est terrible : 7 officiers et 700 hommes de troupes tués, sur un effectif de 3 400 hommes. En septembre, le régiment mène plusieurs attaques autour du col de la Chipotte, dans les Vosges. Puis, il est déplacé dans les faubourgs d’Arras, pour défendre la ville. Pendant la première semaine d’octobre, les offensives allemandes sont très violentes mais elles sont repoussées. A nouveau, entre le 21 et le 23 octobre, les allemands essaient de prendre la ville. Le régiment est forcé de se replier mais Arras est sauvegardé.
Qu’est-ce que Célestin sait de tout ça quand il prend le train, ce 2 novembre au soir ?
Petit complément de vocabulaire :
Une bande molletière est un ruban de tissu enroulé autour de la jambe depuis le mollet jusqu’au genou. Elle remplace les bottes, en situation de pénurie de cuir. Elle présente aussi l’avantage d’éviter d’éviter l’entrée de terre lorsqu’on rampe. Par contre, elle se gorge d’eau, par temps de pluie.
