19 mai 1917

Anniversaire

En 2021, le 19 mai est une échéance qui va être associée, pendant quelques temps dans nos têtes, avec la réouverture des terrasses de café, des cinémas et des musées. En 1917, Célestin écrit à sa sœur une lettre à propos de cette date du 19 mai, qui signifie bien autre chose pour lui. Découvrons la ensemble :

La transcription de cette lettre maintenant :

Le 19 mai 1917

Ma chère Sœur,

Sais-tu que j’ai 31 ans aujourd’hui, et quand cette sale guerre a commencé j’en avais à peine 28. J’ai vieilli : on dit que les années de campagne comptent double : rien de plus vrai. On vieillit physiquement en sentant ses forces diminuer, et moralement en sentant que c’est le courage qui s’en va : la guerre finie, j’aurai peut-être 33 ans ce qui en vaudra peut-être 40 et peu de courage pour m’établir, parce que je ne me sentirais plus assez fort et plus assez jeune pour profiter d’une famille. Et plus on vieillit, plus on se rapproche de la vie éternelle, et du ciel, à condition d’avoir eu assez de courage pour le gagner, ce en quoi je fais mea culpa, avec le désir et la nécessité de mieux faire si je veux profiter de l’autre vie, n’ayant pas profité de celle-ci. Et voilà mes sentiments en ce 19 mai 1917, 31ème anniversaire de ma naissance. Tu voudras bien m’aider à réaliser la 2ème partie du programme par tes bonnes prières.

Je ne suis plus à la batterie ces jours : on suit, avec d’autres camarades, un cours de grenadier, à 18K à l’arrière : il paraît que c’est l’habitude… pour ce que ça nous servira à nous artilleurs ! Enfin s’il ne faut que ça pour « les avoir » … on les aura. Je suis ici pour jusqu’au 23. C’est-à-dire c’est 6 jours de repos. Je suis habitué à mon nouveau métier et ce n’est ni bien terrible ni bien dangereux, tu peux le croire. Je me porte bien et ne puis que te souhaiter pareille santé : le beau temps a-t-il au moins une influence bienfaitrice sur ta jambe : je l’espère ! Peut-être aussi ouvrira-t-il les yeux qui ne le sont pas sur ton état de santé, ou qui ne veulent pas voir : c’est bien à souhaiter. 

Y a-t-il du nouveau à Loublande ? Moi qui comptais presque sur fin juin pour voir quelque évènement décisif en notre faveur : à lire les discours des grands hommes de tous pays, il parait que j’avance de deux ans. Il est vrai que le Bon Dieu n’a pas encore fait le sien et c’est ce qui me console ! J’ai entrevu l’aumônier de mon groupe mais n’ai pas encore fait sa connaissance : il n’est pas facile d’avoir des offices religieux dans ce métier. Prie p. moi. J’ai vu il y a 3 jours le jeune Delayaye : il va bien. Mes respects à Mr l’abbé ainsi qu’aux bonnes sœurs.

Je t’embrasse de tout coeur. Ton grand C. Vernet

Pour garder un peu de suspens, on n’expliquera pas aujourd’hui la référence à Loublande, qui sera un thème de l’exposition du 28 août prochain. D’ici là, peut-être aurons-nous aussi découvert qui est le jeune Delayaye…

Célestin évoque son nouveau métier. Il s’agit de celui d’artilleur ; une batterie d’artillerie a la charge d’un groupe de canons. Pendant son service militaire, il a appris ce métier d’artilleur. Mais, peut-être vous souvenez-vous que, dans sa lettre de novembre 1914, il regrettait d’abandonner l’uniforme de l’Artillerie pour l’Infanterie. En effet, en novembre 1914, il est affecté à un Régiment d’Infanterie, le 159ème où son rôle consiste à approvisionner les soldats des tranchées en munitions. Au printemps 1917, Célestin décide de demander son changement pour retourner dans l’artillerie, ce qui est accepté. Il arrive au 208ème Régiment d’Artillerie de Campagne, le 12 mai 1917.

Dans la lettre d’aujourd’hui, Célestin s’étonne qu’à peine une semaine après son arrivée dans ce régiment d’artillerie on l’envoie dans un stage de formation de grenadier. Le grenadier est le fantassin qui s’élance hors des tranchées et attaque la tranchée adverse en y lançant des grenades. C’est donc typiquement un métier de l’Infanterie !

L’Artillerie a une image de nouveauté et de puissance, pendant la Première Guerre et la France est très fière de son canon de 75 qui équipe les régiments d’artillerie de campagne, légers et mobiles, où les canons, tirés par des chevaux, peuvent se déplacer et suivre l’avancée de l’infanterie (en opposition avec l’Artillerie Lourde, aux canons de plus grosses dimensions).

Une carte postale de propagande, éditée le 6 mai 1917, le Coq juché sur le canon de 75 :

Pour finir, les aléas de la vie d’un artilleur, datant de 1912 (on sent qu’il n’y a pas la même pression ; il s’agit d’ailleurs de l’armée suisse… d’où l’importance de la montre ?) :

Source : artillerie de campagne (plongeesanssel.com)

%d blogueurs aiment cette page :